Me voici déjà depuis quelques semaines à Grenade. Bien installé, bien repris les cours et déjà sur les traces des mourides, je profite d'un petit instant de répis pour vous faire partager une actu média. Le journal espagnol de référence El pais s'est refait une beauté dimanche. Nouveau format, plus clair, en interaction avec le site internet, des articles d'analyse passionants répartis dans tout le journal en fonction de l'actualité au lieu d'être concentrés sur quatre pages et toujours un traitement de l'info remarquable tant sur le plan international que national. Tout cela pour la somme de 1 euro et sans trahir ses idéaux. El Pais mérite bien sa place parmi les meilleurs journaux du monde! Quid des nationaux français. Le dernier numéro du trimestriel Médias (n°14-Automne 2007) nous offre un magnifique reportage dans les coulisses de "La chute de la maison Colombani" au sein de la maison Le Monde. On y découvre avec effarement les magouilles de Minc et compagnie. Au lycée pour pas nous perdre, on nous disait souvent que El Pais était l'équivalent du Monde en Espagne. Depuis j'ai appris à ne pas mélanger les serviettes et les torchons!
D'accord avec toi Tonio sur la distinction qualitative que tu fais entre El País et Le Monde, mais je te rappelle pour mémoire que le groupe PRISA est actionnaire à hauteur de 18% du capital du Monde SA depuis 2005.
Cela signifie concrètement que El País est le deuxième actionnaire aujourd'hui au sein du Monde après Lagardère et que cela a une répercussion directe sur le contenu du journal Le Monde.
Cette entrée en force de Prisa n'a à mon avis pas été très bénéfique au quotidien français dans la mesure où Prisa s'est attaché à développer en France la même stratégie marketing que celle qu'il appliquait en Espagne, notamment en vendant avec le journal des films et des encyclopédies.
Et l'ironie de l'histoire, c'est que El País qui a aujourd'hui une influence directe sur le contenu du journal français, s'est calqué à sa fondation par Ortega Spottorno sur Le Monde !
Rédigé par : Le Zèbre | 27 octobre 2007 à 22:22
Mon cher Sébastien,
Merci de ce complément d'infos. Ton commentaire prouve que l'actionnaire ne fait pas le moine et qu'il n'est donc pas le seul responsable, à mon sens, de la médiocrité d'un titre ou de sa qualité. Un journal, c'est une équipe de rédaction, ce sont des journalistes, des photographes, des éditorialistes qui définissent un contenu. On a trop souvent tendance en France à se ruer sur l'actionnaire pour se plaindre de la mauvaise qualité de la presse.
Les choses sont plus complexes et elles ont été débattues de manière remarquable à Perpignan lors du colloque "Crise du photojournalisme ou crise de la presse" animé entre autres par Paul Moreira. Si il est clair que l'actionnaire a un pouvoir de pression considérable, il n'en reste pas moins que le monde des journalistes en France souffre d'un sérieux manque de remise en question face à une démobilisation sur le terrain de l'international ou celui de l'investigation par exemple.
Rédigé par : Tonio | 30 octobre 2007 à 00:34
Bonjour, on m'a invité à commenter. Ça tombe bien, je ne suis d'accord avec aucun des deux :-).
Je crois que la vision d'El País par Tonio est quelque peu optimiste et celle des deux sur le Monde, assez noire.
Très honnêtement la nouvelle formule d'El País ne change pas grand chose. Non, Tonio, le format n'est pas nouveau, non, l'inclusion des tribunes d'analyse et d'opinion au milieu des pages d'information n'est pas non plus une innovation. El País (et Le Monde, et Libé et bien d'autres journaux en papier) affronte avant tout un problème générationnel que des bidouilles de maquette ne sauront résoudre.
Quant aux "idéaux" je ne vais pas me lancer dans une analyse de contenus éditoriaux et politiques, mais notons tout de même que le quotidien a du publier tout récemment une lettre de la rédaction (après vote de celle-ci) contestant un édito antiguevariste violent... Et qu'après 30 ans, El País vient de perdre son monopole sur le centre gauche, aujourd'hui disputé par Público.
Sur le Monde, je dirais qu'il vaut mieux que les journaux de qualité soient contrôlés par d'autres journaux de qualité que par, au hasard, des marchands d'armes. Je crois sincèrement que la stratégie éditoriale du Monde n'est pas définie à Madrid. Commerciale, peut-être en partie, mais ce sans doute pas mal de prendre quelques leçons d'économie auprès du quotidien 'sérieux' le plus rentable d'Europe.
Quant aux gadgets distribués avec Le Monde, c'est un phénomène qui devait toucher la France après avoir triomphé en Italie et en Espagne. C'est aussi une source importante de revenus en tant que telle, ce qui, au bout du compte, contribue plus à l'indépendance de la ligne éditoriale que les grands discours de principes.
Petit à petit cela se dégradera comme cela se dégrade en Espagne, parce que le nombre de produits culturels de qualité distribuables n'est pas infini. Après Blake et Mortimer, Le Monde distribuera, plus tard, des fourchettes et des lecteurs mp3. Reste la possibilité de ne pas acheter et de ringardiser les produits, de même qu'il est possible de ne pas regarder la télé réalité.
Bons baisers.
Rédigé par : Mathieu / Mateo | 30 octobre 2007 à 19:37
Cher Mathieu/Mateo,
Mon optimiste concernant à la qualité du Journal El Pais est certainement naïf. Mais il s'agissait de souligner ici un ravalement de façade et certainement pas une innovation majeure dans le monde du journalisme. L'actionnaire et l'habis ne font pas le moine, nous sommes d'accord sur ce point.
Pour le reste tu dois être plus au courant que moi. Journaliste français en Espagne, tu as travaillé pour El Pais si je ne me trompe pas. J'en profite donc pour t'interroger sur ce point qui à mon sens fait vraiment débat aujourd'hui : la différence des comportements des journalistes dans leur manière de vivre leur profession. Sur ce point j'ai une vision trés pessimiste de la profession en France à la vue des quelques expériences malheureuses que j'ai pu avoir. Quel est ton point de vue sur ce sujet? Est-ce qu'il y a une réelle différence qualitative entre journalistes français et journalistes espagnols comme je le pressents à la lecture de El Pais?
Dans tous les cas heureux de faire ta connaissance aprés avoir entendu parler de toi par voix interposées. Si tu es toujours en Espagne, j'espère que nous aurons l'occasion de débattre de tout cela in vivo y con tapas.
En attendant bon week end!
Rédigé par : Tonio | 30 octobre 2007 à 22:50
Cher Tonio,
il ne m'appartient pas de qualifier ton jugement de naïf, simplement on a des expériences personnelles et des analyses différentes et c'est tant mieux.
Je reconnais aussi que les modifications d'El País, même si elles sont timides, sont dans l'ensemble des améliorations (sauf l'élimination des chapôs !).
Quant à la différence entre professionnels suivant leur nationalité... je regrette de ne pas y souscrire !
J'ai lu que tu avais travaillé comme fixeur pour la télévision, ceci explique sans doute cela (c'est un boulot que j'ai connu...).
De mon côté j'ai rencontré d'excellents journalistes et des ignares gonflés d'orgueil des deux côtés des Pyrénées. Le support (écrit, radio, télé, web) influe sans doute un peu, mais c'est je crois avant tout une question de personne.
Pour ne prendre qu'un seul exemple, tu verras comme moi que certains des correspondants espagnols à Paris sont très bons, d'autres se révèlent pleins d'a priori (positifs ou négatifs).
Fais moi signe si tu passes sur Madrid que l'on prenne une caña.
Bon finde à toi aussi.
Rédigé par : Mathieu / Mateo | 02 novembre 2007 à 00:19