Que de retard, mon dieu que de retard ! Mais que voulez-vous, la vie parisienne a ses contraintes : couchés tard, dix millions de mails à envoyer par jour, un nouveau quartier à explorer, la découverte de la nouvelle salle de sport, une soirée au théâtre ou au ciné et enfin, les éternels apéros chez les uns et chez les autres... Mais tout va bien je vous rassure, enfin presque (oui presque : le parisien est un vrai râleur insatisfait, il faut s'adapter et quand on vous demande si ça va, répondre "bof" va de soi).
Blague à part, ça ne va pas fort. Premièrement, décembre et janvier ont été très froids et nous ont rappelé que Paris est au Nord. Pluie, neige, vent, brouillard, gants et nez qui coulent : le gel hydroalcoolique se vide de jour en jour et le soleil devient une abstraction, le souvenir d'une vie antérieure.
Deuxièmement, de dures réalités se sont rappelées à nous. En France, le mérite est une chimère et l'accession au marché du travail se fait en fonction des gens que vous connaissez et non en fonction de vos qualités. C'est un fait et il faut s'y résoudre ou s'exiler. Paris, cette vieille jacobine, concentre tous les défauts et les qualités de notre vieux pays : la règle du "réseau" y est d'autant plus cruelle.
Dernière preuve en date, le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique (CNSAD) a fermé ses portes à une jeune comédienne sous prétexte qu'elle est trop âgée de quelques semaines et que son dossier "ne présente pas d'intérêt particulier" pour oser seulement prétendre jouer devant le jury qui doit décider si oui ou non elle peut entrer dans la prestigieuse institution. Dix ans de pratique théâtrale, certes dans un théâtre "amateur" mais ayant joué des rôles importants (Nina dans la Mouette de Tchekhov, Mlle Else d'Arthur Schnitzler, Katerina dans l'Orage d'Ostrovski... etc, etc, etc), le tout devant un public (ce qui est loin, très loin d'être le cas de beaucoup de prétendant(e)s), ne suffisent donc pas. A cela s'ajoute une entrée directe en 3ème année du Cours Florent... Rien n'y a fait. Autant dire que le dossier n'a pas été ouvert par la commission de dérogation qui devait statuer sur son cas. Pourquoi ? Parce que ce dernier n'était pas appuyé par une connaissance bien placée. Elle aurait pu faire appel à quelqu'un du milieu mais elle s'était dit que son parcours suffirait à convaincre l'administration du Conservatoire de lui laisser tenter sa chance.
Mais ce n'est pas grave : une institution qui vit en cercle fermé est vouée à l'étouffement ou au crétinisme inhérent à la consanguinité. Il est parfois salutaire d'éviter de se corrompre. C'est un peu notre révolution tunisienne à nous, jeunes français(e)s : refuser le piston, faire valoir ses compétences ou ses années d'études, passer par la petite porte quand la grande se ferme ou que l'ascenseur est en panne, éviter les clans... Preuve en est, le travail d'un jeune journaliste, Paul Larrouturou qui vient de "sniper" le site internet de l'Elysée en dévoilant leur tentative de cacher ou de supprimer les photos où Sarkozy apparaissait trop amical avec Moubarak et Kadhafi. Ses parents ne sont pas journalistes, ni écrivains, ni éditorialistes, ni parisiens. Il arrive tout droit du Pays Basque, étudiant à Bordeaux puis à l'IFP, s'est fait tout seul et vient de jeter son premier pavé sur les vitrines de l'Elysée.
Quelles que soient nos compétences, il serait sain de suivre ce mouvement, faire en sorte que des têtes tombent sur la base de notre seul savoir-faire et arriver, à termes, à ce que cette génération trop bien installée finisse par manger dans la main des méritants.
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