Quelques essais réalisés en 2010 à découvrir dans le nouvel album ci-contre. Ces photos ont été prises dans les villages d'ostréiculteurs de la Presqu'île du Cap-Ferret, essentiellement dans le village de l'Herbe. C'est un projet qui mûrit très doucement mais qui devrait se développer dans le courant de l'été 2012 avec quelques portraits, afin de mieux connaître ceux et celles qui se cachent derrière ces portes.
Sur une carte, Bouglon et Grezet-Cavagnan, ce sont deux points de part et d'autre de la D933 qui relie Marmande à Casteljaloux. Pour certains Lot-et-garonnais, ces deux villages n'existent même pas, vous imaginez bien qu'à Paris... Le vendredi 21 mai, Nicolas Sarkozy y faisait pourtant une visite éclair. Au programme : les fraises face à la grande distribution et la concurrence étrangère, et les médecins généralistes.
Trois hélicoptères, 1000 gendarmes mobilisés sur un rayon de 20 km, voies d'accès aux lieux de rendez-vous sur-contrôlées : de quoi mettre en branle tout le département et perturber la croissance des gariguettes suantes sous leurs serres. Loin des deux cars de journalistes et des points presse, portrait insolite sur les traces de la berline présidentielle... « Comme quoi, Grezet, c'est pas un patelin de merde ! »
8h30. La journée est belle. Les blés resplendissent dans toute leur verdure matinale et laissent échapper de temps à autre une touche de rouge coquelicot... Au milieu des épis, le bleu-gendarme d'une fourgonnette indique qu'on se rapproche. Premier tour d'horizon : tout est quadrillé et il faut montrer patte blanche. J'ôte négligemment mes lunettes de soleil juste avant un « check point » : geste fatal qui fit croire à l'agent que je téléphonais au volant...
9h. Chemin communal qui mène à Bouglon. Tentative d'intrusion par la porte de derrière. Le panneau de la commune passé, toujours pas de gendarme, l'excitation de l'explorateur qui découvre une terre encore vierge est à son comble... Jusqu'à ce qu'une jeune recrue surgisse de derrière un arbre. Oui, il faut savoir que sur la totalité de l'effectif policier, beaucoup se cacheront dans la forêt. Pas de négociation alambiquée, je suis envoyé directement à l'attachée de presse de la préfecture : je fais ce que je veux jusqu'à l'arrivée du président. Il est 9h30, les choses sérieuses commencent et je galope comme un gamin de Willy Ronis, l'appareil sous le bras.
"J'en n'ai pas dormi de la nuit ! Je tourne, je tourne, en me disant que je vais le rater, que j'aimerais le voir."
Certes Bouglon est un charmant petit village perché sur une colline de l'Albret. Certes, le site à l'avantage d'être difficile d'accès pour les convois d'agriculteurs mécontents. Certes, la salle des fêtes est idéal pour regrouper la presse. Mais soyons clairs tout de suite : Bouglon est un bon vieux village de droite. Un vrai.
Première étape, la mairie où le personnel paraît un peu perdu. Avertie de la visite de Nicolas Sarkozy par rumeurs et presses interposées, la première édile n'a reçu son carton d'invitation que l'avant-veille. Mais Madame Dupiol n'est pas rancunière et « est très heureuse de recevoir notre président de la République ». Madame Dupiol, vous savez, c'est notre vieille tante toujours bien apprêtée avec en plus, « un torrent de cailloux qui roule dans son accent ». Parfois, on l'appelle Madame Dumiel...
Premier attroupement de badauds locaux, en conciliabule sous un bleu-blanc-rouge mis là pour l'occasion. « Moi je l'attends. J'en n'ai pas dormi de la nuit. Je tourne, je tourne en me disant que je vais le rater, que j'aimerais le voir. J'aime bien moi Sarko. Tiens, mais voilà Claude ! Vous verrez, elle, elle saura quoi vous dire, la politique elle connaît ! » Une syndicaliste agricole à Bouglon ? Une représentante de l'opposition municipale qui va m'évoquer avec passion les dossiers brûlants du canton ? « Je vais vous dire, Bouglon est un village où l'on vit en paix. Nous sommes très honorés de recevoir le président car c'est quelqu'un d'intelligent, de brillant, capable et sympathique » martèle t-elle énergiquement.
Sur ce flot de paroles patriotiques, se joignent à nous un couple et leur (grand) fils. Jean-Claude, Michelle et Christophe viennent de Dordogne et sont tous les trois militants à l'UMP. « On le soutient ! Il n'a pas été assez ferme : tout ce qu'il a promis pendant la campagne, il aurait du le faire plus vite pour éviter de faire autant de déçus qui sont allés au Front National. Mais on sait que ce n'est pas de sa faute. Ce sont les hauts fonctionnaires qui l'entourent qui le bloquent. » Ils passeront leur journée à Bouglon. Pour espérer lui passer un message ? « Non, juste pour le voir ».
Un peu interloqué par tant de sacrifice kilométrique pour la nation, je poursuis mon exploration dans une petite rue adjacente. Un homme d'un certain âge astique sa voiture. « C'est pour Nicolas Sarkozy que vous nettoyez votre voiture ? » « Non... vous savez le président il a quelqu'un pour le lui faire : moi j'amène ma femme à l'hôpital cet après-midi ». Bernard est un militaire à la retraite. Il aime que les choses soient propres et bien rangées. Deux fils qui sont passés également par la caserne et aujourd'hui un « sale caractère » qui s'occupe des jeunes. Une sorte de Clint Eastwood fenchy Gran Torinesque si vous préférez. « C'est extraordinaire qu'un président se déplace dans un chef lieu de canton. Celui qui ne pense pas ça doit avoir fait l'école buissonnière pendant les cours d'instruction civique ».
Vous l'avez compris : pas de barricade à Bouglon en perspective. Même les gendarmes sont souriants : sur les coups de 11h, la maréchaussée me raccompagne vers la sortie du village.
"Il est où le chien ?" "Il est parti voir Sarko tiens !"
Sur la route de la caravane présidentielle, une épicerie-bar et une boucherie se partagent le marché des visiteurs de passage, sur la route de la ville thermale de Casteljaloux. Au comptoir du Punchy's bar, les blagues fusent sur la première dame et Stéphane, me servant un café ironise, revanchard, sur la foule clairsemée venue acclamée le président : ce matin-là, il ne fera pas son chiffre d'affaire habituel à cause d'une circulation perturbée. Il sera quand même aux avant-postes avec son appareil photo sur le bord de la départementale.
A 12h45, heure prévue du passage du convoi, la route est déserte et le soleil de mai cogne durement le bitume et chauffe les esprits. On croit apercevoir Clint Eastwood, mais dans un autre film. Puis comme un mirage, la citroën bleue nuit surgit et disparaît aussitôt. Quelques minutes plus tard, Stéphane ferme son rideau. « Il est où le chien ? ». Jacky, qui finissait sa bière et la lecture du courrier qu'il vient chercher à l'épicerie lui répond, philosophe : « Il est parti voir Sarko, tiens ! ».
Je poursuis ma route jusqu'à Casteljaloux, d'où l'hélicoptère présidentiel décollera. A 13h45, heure du départ, une petite troupe s'amasse. Ni fans, ni militants, ils sont là juste « pour voir ». Le convoi passe, la vitre se baisse, une main sort. Cinq secondes précieuses où le pouvoir rencontre le peuple, entre le Bricomarché et le Lidl. Violence symbolique forte entre ceux et celles qui, au fond, n'attendaient rien et celui qui préside leur destinée.
Je remonte à Bouglon libérée de ses barrages pour faire un petit debriefing avec la restauratrice qui a servi le déjeuner durant lequel, Nicolas Sarkozy rencontrait les médecins. Le cadre est magnifique, panorama exceptionnel. Malgré cela, l'établissement connaissait des difficultés financières et menaçait de mettre la clef sous la porte. Une visite opportune donc et une cuisinière ravit de cette aubaine. Avec son fils aux fourneaux et son époux au service, ils sont, en ce milieu d'après-midi, épuisés après une semaine de préparation pour le repas du chef de l'Etat. Épuisés mais heureux d'avoir su faire plaisir à un président qui n'est pas réputé pour sa gourmandise. Je les écoute, assis à la table encore dressée. « Il était assis à peu près là où vous êtes ». Mon postérieur frémit.
C'est l'heure de la sieste pour tout le monde. Les rues de Bouglon, désertes, résonnent au son d'un scooter complice d'un amour clandestin et de l'aspirateur de la voisine qui a laissé sa fenêtre ouverte. Un camion citerne manque d'arracher un drapeau tricolore : on a frôlé l'incident patriotique. Le seul de la journée.
Le convoi présidentiel en direction de Bouglon pour le déjeuner de travail.
Entre Port Sainte Marie et Agen.
Le premier me vient de l'excellent POLKA, dont le dernier numéro (#6) a atterri dans ma boîte aux lettres. L'édito d'Alain Genestar fait écho à sa tribune dans le journal Le Monde : face aux difficultés grandissantes des photo-journalistes, il appelle ses confrères à moins de lamentations et de nostalgie d'une période révolue et plus d'imagination pour inventer le futur de la profession. De grands mots me direz-vous, sauf que ces derniers prennent tout leur sens quand on feuillette le magazine. Il est la preuve concrète que 1- le support papier n'est pas mort et fait son retour en force et que 2- sur ce support, la photo a toute sa place à condition de donner les moyens aux photographes de réaliser et d'exposer un travail de qualité.
Page 78 de ce même magazine, vous trouverez ensuite le papier de Brigitte Bragstone "Ecole de la République, interdit de photographier et de parler". Elle touche un point sensible de nos sociétés modernes : nous n'avons pas d'image de notre école. Tout le monde a en tête le travail de Robert Doisneau mais rien, absolument rien, sur l'école du XXIème siècle. Pourquoi ? Parce qu'avec le droit à l'image tel qu'il s'applique aujourd'hui, il est impossible (ou du moins extrêmement difficile) de pénétrer dans une classe avec un appareil photo. J'ai pu moi même m'en rendre compte d'où ma joie en lisant cette article. En septembre 2008, il y a donc tout juste un an, je décidai de réaliser un reportage sur les CLIS (Classe d'intégration scolaire), les classes d'intégration pour les enfants handicapés. Ce fût une véritable bataille pour obtenir les autorisations de l'inspection académique et finalement rien du tout à force de faire traîner les choses. L'inspection protège sa chasse gardée et laisse les enseignants dans l'isolement, dans un bunker. Pourquoi ? Évolution de la société, sectarisme de l'administration de l'éducation nationale, refus de mettre des images sur une école qui abandonne enfants et enseignants dans un système qui entretient sciemment l'échec scolaire ? Je tenterai d'apporter quelques éléments de réponse dans une prochaine note...
Attroupement devant l'hôtel Mariott à Paris, le 9 juin 2009. Les socialistes y ont réuni leur Conseil National au lendemain de leur défaite aux Européennes. De dos, Benoît Hamon, porte-parole du PS.
Mais revenons à mes clins d'œil. Le deuxième vient de Daniel Schneidermann, célèbre chroniqueur du journal Libération. Dans son papier du lundi 7 septembre 2009, "En direct dans le calbute du PS", il décrit la bataille de petites phrases que se sont livrés les journalistes politiques présents à l'université d'été 2009 du parti socialiste à la Rochelle. Selon M.Schneidermann, cette bataille était une véritable compétition à celui ou à celle qui aurait le meilleur "off"... quand vous lirez sa chronique qui nous offre une revue des trouvailles de nos amis journalistes, vous comprendrez qu'elle sut m'arracher un sourire de satisfaction : je n'ai donc pas rêver à La Rochelle. Premièrement les journalistes se sont bien ennuyés vu le niveau des déclarations qu'ils ont rapporté. Deuxièmement, la compétition entre journalistes français ne repose pas sur la qualité de l'information mais sur la taille du carnet d'adresse... Ce n'est pas nouveau, mais ça va mieux en le lisant !
Sous la tente, poulet de Bresse à volonté pour la fête de la Rose socialiste !
De Frangy-en-Bresse à La Rochelle en passant par Saint-Ciers sur Gironde, ma rentrée photographique fut socialiste. Et croyez-le ou non, c'est beau à voir un parti politique qui travaille. Après des mois (voire des années... !) entre silence et petites phrases assassines, le ton change et l'opposition se met en mouvement. A tel point que, comme le soulignait Thomas Legrand dans son édito politique sur France Inter, Nicolas Sarkozy court après le PS : taxe carbone, non-cumul des mandats..., le président de la République semble suivre l'agenda imposé par la Gauche et les Verts, son discours sur la sécurité passant même à la trappe !
D'accord ou pas avec les socialistes, on peut toutefois se réjouir de ce renversement de situation, preuve d'une opposition en meilleure santé et par la même, d'un système politique démocratique un peu moins grippé que ce qui nous était servi depuis le 6 mai 2007.
Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste, lors de son discours d'ouverture de l'Université d'été de La Rochelle.
Martine retrouve le sourire donc. Et pourtant les journalistes font la gueule. D'abord à Frangy, où comme chaque année, Arnaud Montebourg célèbre la traditionnelle fête de la Rose. Rien ne va plus : ils mangeront un poulet frites qu'ils devront payer de leur poche (remboursé en note de frais je vous rassure) alors qu'à l'UMP, "rendez-vous compte", c'est petits-fours et champagne à volonté. Une semaine plus tard, à La Rochelle, à l'occasion de l'université d'été du PS, on approche du scandale : ils s'ennuient. Oui ils s'ennuient. Cette année, pas de "off" sur les terrasses du vieux-port, pas de petites phrases au détour d'une balade entre les deux tours mais des ateliers, des ateliers et encore des ateliers. Bref, une université d'été qui porte bien son nom, animée de débats d'idées (si, si je vous jure !) et ça, ça fait pas vendre. La salle de presse avait un côté morne et pathétique : les photographes sont à deux doigts de la dépression (heureusement que Ségolène pose) et les services politiques de toutes les rédactions ont le drapeau en berne. Le papier de Julien Martin de l'excellentissime Rue89 résume bien l'ambiance rochelaise de ce dernier week-end d'août.
Petite lueur d'espoir samedi soir à 20h : le bal PS-MJS. Mais décidément pas de chance, les journalistes n'y sont pas invités. Devant rentrer sur Bordeaux le soir même et après quelques vaines tentatives de négociation, je plie bagage. Saluons le courage, l'imagination et la persévérance des Inrocks qui sont restés jusqu'au bout de la nuit...
De gauche à droite : Olivier Ferrand du think tank Terra Nova, Benoît Hamon, porte-parole du PS et Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, à Frangy-en-Bresse.
Cette petite chronique sur l'ennui dans le monde des médias en période de non crise politique pourrait s'arrêter gentiment ici.
"Eh Manuel tu me fais pas la bise ? ", "Benoît, venga aqui, il y a deux femmes qui te trouvent beau mais ce doit être une vue de l'esprit"... Deux petites phrases. Deux petites phrases anodines surprises au hasard d'une conversation, d'un brouhaha à la fin d'un discours. Pourtant elles me laissent un goût amer. Elles ont été prononcées par un journaliste politique dont la renommée et la plume ne sont nullement remises en question. Cependant, elles traduisent la méthode de travail des journalistes français qui suivent de près nos dirigeants politiques. Pour vendre un article (ou même une photo), il faut du scandale, du sensationnel, de la petite phrase. Pour vendre un article, il faut un "scoop" qui peut se réduire à "un tel a dit que sur un autre". Ce n'est rien, ça ne fera pas avancé le débat et ce sera oublié la semaine suivante mais ça marche. Pour obtenir LA petite phrase, le bon mot, il faut que la personne interviewée, en l'occurrence, l'homme ou la femme politique, se sente en confiance. Donc, il faut copiner. C'est plus facile et plus efficace que de poser une vraie bonne question au cours d'un vrai bon entretien.
En photo même procédé : on copine un instant, puis on crie le prénom de la personne que l'on veut photographier, celle-ci se retourne, sourie et c'est dans la boîte. C'est plus facile et plus efficace que de suivre la même personne sur une longue période. Et pourtant, prendre le temps, mettre en confiance son interlocuteur sans tomber dans la connivence et le mélange des genres n'est pas une vieille chimère d'un conservateur du journalisme "à l'ancienne". Allez jeter un œil sur le travail de Callie Shell qui a suivi pendant plus de deux ans Barack Obama et qui expose actuellement à Perpignan dans le cadre du grand rendez-vous du photo-journalisme "Visa pour l'image".
Le plus drôle c'est que lors de ces universités d'été, il y avait un atelier intitulé "Médias et démocratie" animé par Edwy Plenel. Beaucoup a été dit sur le système de financement des médias français et la connivence entre groupes industriels possédant les titres des plus grands journaux et l'Etat sarkozyste. Très peu par contre sur la responsabilité individuelle des "médiateurs", les journalistes. Ces deux petites phrases traduisent un système. Il y a du boulot pour le dézinguer. Il suffit d'un peu de courage, d'imagination et de persévérance...
Elisabeth Guigou, ancienne Garde des Sceaux et actuellement députée de Seine-Saint-Denis, assistait à l'atelier "Penser l'avenir" à l'université d'été de La Rochelle. Promis, ce sourire elle l'a fait toute seule !
(Photo parue dans Le Point-semaine du 29 janvier 2009)
(Photo parue dans le Figaro Magazine-1er février 2009)
Une petite semaine de congé où les espagnol(e)s nous montrent leur ferveur religieuse. Je voudrais profiter de ces moments pour vous montrer quelques portraits insolites volés parmi les rangs des curieux. Et si mon emploi du temps me le permet, il y aura prochainement le tour d'horizon des bars à tapas qui nous ont régalé tout au long de cette année...
« Adaptabilité, capacité rédactionnelle et goût de l’enquête de terrain pour des reportages mêlant photos et textes sur l’actualité politique française. Par mes expériences dans le journalisme spécialisé j’ai pu acquérir une bonne connaissance des institutions et de leur fonctionnement. »
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