Que de retard, mon dieu que de retard ! Mais que voulez-vous, la vie parisienne a ses contraintes : couchés tard, dix millions de mails à envoyer par jour, un nouveau quartier à explorer, la découverte de la nouvelle salle de sport, une soirée au théâtre ou au ciné et enfin, les éternels apéros chez les uns et chez les autres... Mais tout va bien je vous rassure, enfin presque (oui presque : le parisien est un vrai râleur insatisfait, il faut s'adapter et quand on vous demande si ça va, répondre "bof" va de soi).
Blague à part, ça ne va pas fort. Premièrement, décembre et janvier ont été très froids et nous ont rappelé que Paris est au Nord. Pluie, neige, vent, brouillard, gants et nez qui coulent : le gel hydroalcoolique se vide de jour en jour et le soleil devient une abstraction, le souvenir d'une vie antérieure.
Deuxièmement, de dures réalités se sont rappelées à nous. En France, le mérite est une chimère et l'accession au marché du travail se fait en fonction des gens que vous connaissez et non en fonction de vos qualités. C'est un fait et il faut s'y résoudre ou s'exiler. Paris, cette vieille jacobine, concentre tous les défauts et les qualités de notre vieux pays : la règle du "réseau" y est d'autant plus cruelle.
Dernière preuve en date, le Conservatoire National Supérieur d'Art Dramatique (CNSAD) a fermé ses portes à une jeune comédienne sous prétexte qu'elle est trop âgée de quelques semaines et que son dossier "ne présente pas d'intérêt particulier" pour oser seulement prétendre jouer devant le jury qui doit décider si oui ou non elle peut entrer dans la prestigieuse institution. Dix ans de pratique théâtrale, certes dans un théâtre "amateur" mais ayant joué des rôles importants (Nina dans la Mouette de Tchekhov, Mlle Else d'Arthur Schnitzler, Katerina dans l'Orage d'Ostrovski... etc, etc, etc), le tout devant un public (ce qui est loin, très loin d'être le cas de beaucoup de prétendant(e)s), ne suffisent donc pas. A cela s'ajoute une entrée directe en 3ème année du Cours Florent... Rien n'y a fait. Autant dire que le dossier n'a pas été ouvert par la commission de dérogation qui devait statuer sur son cas. Pourquoi ? Parce que ce dernier n'était pas appuyé par une connaissance bien placée. Elle aurait pu faire appel à quelqu'un du milieu mais elle s'était dit que son parcours suffirait à convaincre l'administration du Conservatoire de lui laisser tenter sa chance.
Mais ce n'est pas grave : une institution qui vit en cercle fermé est vouée à l'étouffement ou au crétinisme inhérent à la consanguinité. Il est parfois salutaire d'éviter de se corrompre. C'est un peu notre révolution tunisienne à nous, jeunes français(e)s : refuser le piston, faire valoir ses compétences ou ses années d'études, passer par la petite porte quand la grande se ferme ou que l'ascenseur est en panne, éviter les clans... Preuve en est, le travail d'un jeune journaliste, Paul Larrouturou qui vient de "sniper" le site internet de l'Elysée en dévoilant leur tentative de cacher ou de supprimer les photos où Sarkozy apparaissait trop amical avec Moubarak et Kadhafi. Ses parents ne sont pas journalistes, ni écrivains, ni éditorialistes, ni parisiens. Il arrive tout droit du Pays Basque, étudiant à Bordeaux puis à l'IFP, s'est fait tout seul et vient de jeter son premier pavé sur les vitrines de l'Elysée.
Quelles que soient nos compétences, il serait sain de suivre ce mouvement, faire en sorte que des têtes tombent sur la base de notre seul savoir-faire et arriver, à termes, à ce que cette génération trop bien installée finisse par manger dans la main des méritants.
Sur une carte, Bouglon et Grezet-Cavagnan, ce sont deux points de part et d'autre de la D933 qui relie Marmande à Casteljaloux. Pour certains Lot-et-garonnais, ces deux villages n'existent même pas, vous imaginez bien qu'à Paris... Le vendredi 21 mai, Nicolas Sarkozy y faisait pourtant une visite éclair. Au programme : les fraises face à la grande distribution et la concurrence étrangère, et les médecins généralistes.
Trois hélicoptères, 1000 gendarmes mobilisés sur un rayon de 20 km, voies d'accès aux lieux de rendez-vous sur-contrôlées : de quoi mettre en branle tout le département et perturber la croissance des gariguettes suantes sous leurs serres. Loin des deux cars de journalistes et des points presse, portrait insolite sur les traces de la berline présidentielle... « Comme quoi, Grezet, c'est pas un patelin de merde ! »
8h30. La journée est belle. Les blés resplendissent dans toute leur verdure matinale et laissent échapper de temps à autre une touche de rouge coquelicot... Au milieu des épis, le bleu-gendarme d'une fourgonnette indique qu'on se rapproche. Premier tour d'horizon : tout est quadrillé et il faut montrer patte blanche. J'ôte négligemment mes lunettes de soleil juste avant un « check point » : geste fatal qui fit croire à l'agent que je téléphonais au volant...
9h. Chemin communal qui mène à Bouglon. Tentative d'intrusion par la porte de derrière. Le panneau de la commune passé, toujours pas de gendarme, l'excitation de l'explorateur qui découvre une terre encore vierge est à son comble... Jusqu'à ce qu'une jeune recrue surgisse de derrière un arbre. Oui, il faut savoir que sur la totalité de l'effectif policier, beaucoup se cacheront dans la forêt. Pas de négociation alambiquée, je suis envoyé directement à l'attachée de presse de la préfecture : je fais ce que je veux jusqu'à l'arrivée du président. Il est 9h30, les choses sérieuses commencent et je galope comme un gamin de Willy Ronis, l'appareil sous le bras.
"J'en n'ai pas dormi de la nuit ! Je tourne, je tourne, en me disant que je vais le rater, que j'aimerais le voir."
Certes Bouglon est un charmant petit village perché sur une colline de l'Albret. Certes, le site à l'avantage d'être difficile d'accès pour les convois d'agriculteurs mécontents. Certes, la salle des fêtes est idéal pour regrouper la presse. Mais soyons clairs tout de suite : Bouglon est un bon vieux village de droite. Un vrai.
Première étape, la mairie où le personnel paraît un peu perdu. Avertie de la visite de Nicolas Sarkozy par rumeurs et presses interposées, la première édile n'a reçu son carton d'invitation que l'avant-veille. Mais Madame Dupiol n'est pas rancunière et « est très heureuse de recevoir notre président de la République ». Madame Dupiol, vous savez, c'est notre vieille tante toujours bien apprêtée avec en plus, « un torrent de cailloux qui roule dans son accent ». Parfois, on l'appelle Madame Dumiel...
Premier attroupement de badauds locaux, en conciliabule sous un bleu-blanc-rouge mis là pour l'occasion. « Moi je l'attends. J'en n'ai pas dormi de la nuit. Je tourne, je tourne en me disant que je vais le rater, que j'aimerais le voir. J'aime bien moi Sarko. Tiens, mais voilà Claude ! Vous verrez, elle, elle saura quoi vous dire, la politique elle connaît ! » Une syndicaliste agricole à Bouglon ? Une représentante de l'opposition municipale qui va m'évoquer avec passion les dossiers brûlants du canton ? « Je vais vous dire, Bouglon est un village où l'on vit en paix. Nous sommes très honorés de recevoir le président car c'est quelqu'un d'intelligent, de brillant, capable et sympathique » martèle t-elle énergiquement.
Sur ce flot de paroles patriotiques, se joignent à nous un couple et leur (grand) fils. Jean-Claude, Michelle et Christophe viennent de Dordogne et sont tous les trois militants à l'UMP. « On le soutient ! Il n'a pas été assez ferme : tout ce qu'il a promis pendant la campagne, il aurait du le faire plus vite pour éviter de faire autant de déçus qui sont allés au Front National. Mais on sait que ce n'est pas de sa faute. Ce sont les hauts fonctionnaires qui l'entourent qui le bloquent. » Ils passeront leur journée à Bouglon. Pour espérer lui passer un message ? « Non, juste pour le voir ».
Un peu interloqué par tant de sacrifice kilométrique pour la nation, je poursuis mon exploration dans une petite rue adjacente. Un homme d'un certain âge astique sa voiture. « C'est pour Nicolas Sarkozy que vous nettoyez votre voiture ? » « Non... vous savez le président il a quelqu'un pour le lui faire : moi j'amène ma femme à l'hôpital cet après-midi ». Bernard est un militaire à la retraite. Il aime que les choses soient propres et bien rangées. Deux fils qui sont passés également par la caserne et aujourd'hui un « sale caractère » qui s'occupe des jeunes. Une sorte de Clint Eastwood fenchy Gran Torinesque si vous préférez. « C'est extraordinaire qu'un président se déplace dans un chef lieu de canton. Celui qui ne pense pas ça doit avoir fait l'école buissonnière pendant les cours d'instruction civique ».
Vous l'avez compris : pas de barricade à Bouglon en perspective. Même les gendarmes sont souriants : sur les coups de 11h, la maréchaussée me raccompagne vers la sortie du village.
"Il est où le chien ?" "Il est parti voir Sarko tiens !"
Sur la route de la caravane présidentielle, une épicerie-bar et une boucherie se partagent le marché des visiteurs de passage, sur la route de la ville thermale de Casteljaloux. Au comptoir du Punchy's bar, les blagues fusent sur la première dame et Stéphane, me servant un café ironise, revanchard, sur la foule clairsemée venue acclamée le président : ce matin-là, il ne fera pas son chiffre d'affaire habituel à cause d'une circulation perturbée. Il sera quand même aux avant-postes avec son appareil photo sur le bord de la départementale.
A 12h45, heure prévue du passage du convoi, la route est déserte et le soleil de mai cogne durement le bitume et chauffe les esprits. On croit apercevoir Clint Eastwood, mais dans un autre film. Puis comme un mirage, la citroën bleue nuit surgit et disparaît aussitôt. Quelques minutes plus tard, Stéphane ferme son rideau. « Il est où le chien ? ». Jacky, qui finissait sa bière et la lecture du courrier qu'il vient chercher à l'épicerie lui répond, philosophe : « Il est parti voir Sarko, tiens ! ».
Je poursuis ma route jusqu'à Casteljaloux, d'où l'hélicoptère présidentiel décollera. A 13h45, heure du départ, une petite troupe s'amasse. Ni fans, ni militants, ils sont là juste « pour voir ». Le convoi passe, la vitre se baisse, une main sort. Cinq secondes précieuses où le pouvoir rencontre le peuple, entre le Bricomarché et le Lidl. Violence symbolique forte entre ceux et celles qui, au fond, n'attendaient rien et celui qui préside leur destinée.
Je remonte à Bouglon libérée de ses barrages pour faire un petit debriefing avec la restauratrice qui a servi le déjeuner durant lequel, Nicolas Sarkozy rencontrait les médecins. Le cadre est magnifique, panorama exceptionnel. Malgré cela, l'établissement connaissait des difficultés financières et menaçait de mettre la clef sous la porte. Une visite opportune donc et une cuisinière ravit de cette aubaine. Avec son fils aux fourneaux et son époux au service, ils sont, en ce milieu d'après-midi, épuisés après une semaine de préparation pour le repas du chef de l'Etat. Épuisés mais heureux d'avoir su faire plaisir à un président qui n'est pas réputé pour sa gourmandise. Je les écoute, assis à la table encore dressée. « Il était assis à peu près là où vous êtes ». Mon postérieur frémit.
C'est l'heure de la sieste pour tout le monde. Les rues de Bouglon, désertes, résonnent au son d'un scooter complice d'un amour clandestin et de l'aspirateur de la voisine qui a laissé sa fenêtre ouverte. Un camion citerne manque d'arracher un drapeau tricolore : on a frôlé l'incident patriotique. Le seul de la journée.
Le convoi présidentiel en direction de Bouglon pour le déjeuner de travail.
Entre Port Sainte Marie et Agen.
Le temps passe vite et il n'y a plus de saison m'sieurs dames.
Il y a un an, le 1er mai était ensoleillé et estival. Il mobilisait également près d'1,2 millions de personnes dans toute la France selon la CGT. Les syndicats marchaient côte à côte et la Parti Socialiste était de la fête (voir photo). Alors que j'étais en stage à l'Hémicycle (un journal parlementaire), un murmure grondait dans les couloirs de l'Assemblée : ça "sentait la poudre". Crise économique et mesures gouvernementales impopulaires présageaient un vent de révolte dans la société française et on imaginait alors pour la rentrée 2009 ou le printemps 2010, une crise sociale sans précédent et un mouvement contestataire s'apparentant à mai 68. Il est vrai que les Français sont de nature imprévisible et la perspective d'un tel scénario était tout à fait réaliste, à en croire du moins des députés de droite comme de gauche.
De gauche à droite : Martine Aubry, Harlem Désir, Bertrand Delanoë et Jean-Christophe Cambadélis peu de temps avant le début du défilé. Paris mai 2009.
1er mai 2010, la crise est toujours d'actualité et pourtant seule la Grèce s'enflamme. S'ajoute à cela des catastrophes naturelles en pagaille et une météo presque hivernale. 350 000 personnes défilent selon la CGT et les syndicats se montrent désunis à nouveau alors que se prépare la réforme des retraites. Bref, la poudre semble avoir pris l'eau et les Français sont bercés par une sinistre résignation en attendant sagement 2012.
A ce sujet, un ami se disait certain que Sarkozy serait réélu malgré toutes les déconvenues de ce dernier. De la surprise je passe alors au rire qui se jaunit peu à peu... Les Français sont de nature imprévisible n'est-ce pas ?
Un manifestant du 1er mai 2009 devant le cortège socialiste à Paris.
Il m'agace et pourtant j'adore ses sorties médiatiques à l'emporte pièce. Ça ne vous a certainement pas échappé : Jean-Luc Mélenchon, leader du Front de Gauche, s'en est pris violemment à un étudiant en journalisme (vidéo ici). "Métier de merde", "petites cervelles"... Il n'y va pas par quatre chemins et j'imagine bien la tête de notre étudiant. Sans pour autant cautionner la forme, il y a quand même un peu de vrai dans tout ça, même si c'est un peu vache de faire porter sur les épaules d'un jeune novice tous les défauts de la profession. Quoique. Ce qui est intéressant dans cette séquence vidéo, c'est la fin de l'intervention au vitriol de Mélenchon, quand l'objectif de la caméra se baisse et filme intelligemment le sol... Le député européen explique à notre journaliste en herbe la chose suivante : "vous êtes tous les mêmes et vous préparez un drôle de métier".
Je me suis longtemps posé la question de la pertinence et de la légitimité des écoles de journalisme, du coup cette phrase m'a interpellé. Mélenchon touche du doigt, à mon avis, quelque chose d'important en dénonçant à sa manière, la formation de plus en plus standardisée au métier de journaliste.
Faire et faire suivre le buzz (ou le ramdam), s'acharner sur l'anecdote, faire du people sans vraiment le dire, monter des scoop là où finalement il n'y en a pas, être dans l'instant et au courant de tout, tout le temps sans jamais, au fond, prendre le temps d'approfondir un sujet... Il suffit de voir les épreuves d'admission de ces écoles. Les fameux questionnaires d'actualité font allègrement le grand écart entre le jury de la nouvelle star et la loi Hadopi. L'épreuve passée, c'est "j'y pense et puis j'oublie", on passe à l'actu suivante. C'est un peu comme le slide de l'iphone : on zappe, de blog en blog, de tweet en tweet, de post en post... c'est "fun", c'est "hype", on est tous mal rasé et on porte des lunettes on sait plus trop pourquoi d'ailleurs, "quoi t'es pas au courant ?", le carnet de maîtresses d'un tel, le 06 de tel autre, "la fille de machin copine de la stagiaire qui a vu".
Pour se rassurer, il faut se dire que du coup l'espace pour du reportage de fond n'en est que plus grand et qu'il faut savoir s'en saisir. La preuve : Brèves de trottoirs. Une sacré perle... Alors au boulot ! Je profite d'une heure tardive, au calme, pour vous faire part des premiers pas vers un rêve porté par un appareil photo. Comme une liste de course que je partage avec vous dans un grand élan narcissique, voici les pérégrinations d'une "petite cervelle" qui voudrait devenir journaliste... un vrai.
1- Apprendre à tweeter comme les grands ;
2- Se laisser pousser une barbe nonchalante de 2 jours ;
3- Soutenir son amour de comédienne à Paris et préparer la grande migration Province-capitale ;
4- Boucler mon approche sensible du Lot-et-Garonne et penser à recontacter les quelques joyeux phénomènes ;
5- Rappeler le Parti Socialiste ;
6- Passer au mac ;
7- Investir dans un nouveau boîtier (ceci est un appel à contributions) ;
Aujourd'hui première mission accomplie : envoyer les dossiers de candidature aux concours "grand écart". C'était un 1er avril, ça promet.
Barack Obama prix Nobel de la Paix. Étonnante élection. Certains la trouvent prématurée, d'autres inopportune... Certains pensent qu'il s'agit d'une injonction à l'action concrète, d'autres y voient un garde-fou pour éviter un nouvel Irak en Afghanistan.
Cette élection semble être le reflet d'une époque, d'une tendance
: le retour de la parole, du discours, du mot. Ces
derniers n'avaient pas disparu mais ils sont désormais au centre de
l'action politique non plus comme un moyen, un outil de communication
mais comme une fin en soi.
Barack Obama, juste avant son discours d'investiture. Photo de l'excellente Callie Shell.
C'est en écoutant la radio sur les routes du Lot-et-Garonne que cette réflexion m'est venue à l'esprit. François Rebsamen, maire de Dijon et sénateur de la Côte d'Or, était l'invité d'une émission de France Inter (vous m'excuserez, je ne me souviens plus de laquelle) et il justifiait le choix du Comité Nobel de la façon suivante : « Les paroles de Monsieur Obama sont apaisantes ». Surprenant pouvoir du verbe que tout un chacun a pu cependant constater au moment de l'élection du premier président noir des États-Unis en novembre dernier.
Dans ses discours le président américain offre du sens à ses concitoyens. Il leur donne une direction, une orientation et donc une raison d'espérer (ou de contester comme c'est le cas avec la réforme du système de santé). On pourrait même émettre l'hypothèse d'un retour à la tradition du discours, de l'art oratoire non pas dans le but de manipuler un auditoire mais pour instaurer un véritable dialogue où chacun dans ses discours est responsable de ce qu'il dit et donne un peu de soi. Et c'est à travers ce dialogue que la société fait sens et se donne un sens pour une cohésion pacifiée non plus par les armes mais par le verbe. Plus qu'une injonction, cette désignation est le couronnement d'une nouvelle façon de faire de la Politique.
Benoît Hamon, porte-parole du PS lors d'un discours à Frangy-en-Bresse (août 2009).
Doit-on craindre « une nouvelle phase de contrôle social qui ajouterait aux disciplines et aux dispositifs analysés par Foucault et Deleuze un pouvoir de narration qui s'exercerait directement sur l'imaginaire des individus ? » comme s'interrogeait Christian Salmon, l'auteur du célèbre ouvrage « Storytelling ». Est-ce que le sacre d'Obama est un nouveau chapitre de l'histoire qu'il veut nous faire gober où il jouerait le rôle d'une figure de paix alors qu'il envoie des renforts américains en Afghanistan ? Sommes-nous victime d'une fiction manageriale qui s'en remet à nos émotions pour nous séduire et nous manipuler ? En France, le storytelling a eu un certain écho dans la bouche de Ségolène Royal, Bernard Kouchner ou encore Nicolas Sarkozy. Tous ont parfaitement conscience que pour convaincre les Français il faut leur raconter des histoires et se faire l'acteur d'un récit dont on dessine de jour en jour le séquençage pour les médias et les citoyens. Fantastique technique de diversion en fait. Ainsi Obama prix Nobel de la Paix marquerait le couronnement d'un retour à l'inaction, aux paroles en l'air et à la manipulation par les beaux discours qui ne sont pas suivis d'actes ? Non.
Ce
retour en arrière n'est plus possible car les opinions publiques ont
évolué. Le discours ne se fait plus seulement du haut d'une tribune
devant un auditoire malléable que l'on pourrait mettre en rang
aisément à la manière d'un régime totalitaire. Nous ne sommes
plus au temps où un homme politique prend la foule comme il prend
une femme se délectant de ses cris enthousiastes à chacune de ses
saillies verbales. Il s'instaure désormais un véritable dialogue où
la « foule » des citoyens attend de l'émetteur d'un
discours qu'il prenne ses responsabilités, qu'il y ait adéquation
entre sa parole et ses actes.
Arnaud Montebourg, député PS de Saône-et-Loire, lors d'un discours à Montgeron (Essonne) (juin 2009).
Jeudi
15 octobre avait lieu une table ronde sur l'état de l'opinion
publique en France dans le cadre du Salon des métiers du Politique
qui se tenait au Parc floral de Vincennes. Intervenait, entre autres
, Stéphane Rozès, ancien directeur du CSA. Ce dernier nous délivra une analyse vraiment
intéressante de l'opinion telle qu'elle se dessine en France dans un
contexte de crise et de morosité ambiante. Ses conclusions sont
simples : « les Français veulent un récit ». La crise
les a mis face à leurs contradictions (satisfaire ses envies par la
consommation et respecter l'environnement, construire sa propre
individualité et désir de solidarité et de communauté... etc.).
De ce fait, ils doivent « réaménager leur imaginaire »
sur de nouvelles valeurs telles qu'une consommation plus qualitative
ou la notion du « travail utile » plutôt que le « travailler plus ». Cela passe par un certain "rigorisme"
et une volonté de cohérence entre ce qui est prôné et ce qui est
fait. Rigorisme et cohérence qu'ils s'imposent mais qu'ils veulent
imposer à leurs dirigeants politiques. Ils attendent d'eux une
certaine exemplarité, un récit cohérent qui fasse sens. Ainsi le
fait que Barack Obama soit le nouveau prix Nobel de la Paix est
certes une injonction à l'action mais surtout un appel à la
cohérence pour éviter toute nouvelle désillusion.
Stéphane Rozès adoptait une vision à la fois optimiste et pessimiste face à ce « rigorisme » dans la société française. Optimiste car il est une exigence à plus de responsabilité. Pessimiste parce que si cette attente n'est pas satisfaite, une société à tendance à chercher le bouc-émissaire pour surmonter ses propres contradictions.
L'affaire Jean Sarkozy est un exemple flagrant d'incohérence entre les discours du candidat Sarkozy sur le mérite républicain et son dernier discours sur le Lycée du mardi 13 octobre et l'ascension fulgurante d'un fils qui n'a que pour compétence d'être bien né. Selon Stéphane Rozès, Nicolas Sarkozy a gagné les élections de 2007 parce qu'il avait su « fixer un cap ». Aujourd'hui beaucoup préparent une mutinerie ou quittent la barque : pourvu que leur nouveau capitaine ne soit pas borgne... et que notre futur conteur ait le même talent qu'un prix Nobel.
Le premier me vient de l'excellent POLKA, dont le dernier numéro (#6) a atterri dans ma boîte aux lettres. L'édito d'Alain Genestar fait écho à sa tribune dans le journal Le Monde : face aux difficultés grandissantes des photo-journalistes, il appelle ses confrères à moins de lamentations et de nostalgie d'une période révolue et plus d'imagination pour inventer le futur de la profession. De grands mots me direz-vous, sauf que ces derniers prennent tout leur sens quand on feuillette le magazine. Il est la preuve concrète que 1- le support papier n'est pas mort et fait son retour en force et que 2- sur ce support, la photo a toute sa place à condition de donner les moyens aux photographes de réaliser et d'exposer un travail de qualité.
Page 78 de ce même magazine, vous trouverez ensuite le papier de Brigitte Bragstone "Ecole de la République, interdit de photographier et de parler". Elle touche un point sensible de nos sociétés modernes : nous n'avons pas d'image de notre école. Tout le monde a en tête le travail de Robert Doisneau mais rien, absolument rien, sur l'école du XXIème siècle. Pourquoi ? Parce qu'avec le droit à l'image tel qu'il s'applique aujourd'hui, il est impossible (ou du moins extrêmement difficile) de pénétrer dans une classe avec un appareil photo. J'ai pu moi même m'en rendre compte d'où ma joie en lisant cette article. En septembre 2008, il y a donc tout juste un an, je décidai de réaliser un reportage sur les CLIS (Classe d'intégration scolaire), les classes d'intégration pour les enfants handicapés. Ce fût une véritable bataille pour obtenir les autorisations de l'inspection académique et finalement rien du tout à force de faire traîner les choses. L'inspection protège sa chasse gardée et laisse les enseignants dans l'isolement, dans un bunker. Pourquoi ? Évolution de la société, sectarisme de l'administration de l'éducation nationale, refus de mettre des images sur une école qui abandonne enfants et enseignants dans un système qui entretient sciemment l'échec scolaire ? Je tenterai d'apporter quelques éléments de réponse dans une prochaine note...
Attroupement devant l'hôtel Mariott à Paris, le 9 juin 2009. Les socialistes y ont réuni leur Conseil National au lendemain de leur défaite aux Européennes. De dos, Benoît Hamon, porte-parole du PS.
Mais revenons à mes clins d'œil. Le deuxième vient de Daniel Schneidermann, célèbre chroniqueur du journal Libération. Dans son papier du lundi 7 septembre 2009, "En direct dans le calbute du PS", il décrit la bataille de petites phrases que se sont livrés les journalistes politiques présents à l'université d'été 2009 du parti socialiste à la Rochelle. Selon M.Schneidermann, cette bataille était une véritable compétition à celui ou à celle qui aurait le meilleur "off"... quand vous lirez sa chronique qui nous offre une revue des trouvailles de nos amis journalistes, vous comprendrez qu'elle sut m'arracher un sourire de satisfaction : je n'ai donc pas rêver à La Rochelle. Premièrement les journalistes se sont bien ennuyés vu le niveau des déclarations qu'ils ont rapporté. Deuxièmement, la compétition entre journalistes français ne repose pas sur la qualité de l'information mais sur la taille du carnet d'adresse... Ce n'est pas nouveau, mais ça va mieux en le lisant !
Sous la tente, poulet de Bresse à volonté pour la fête de la Rose socialiste !
De Frangy-en-Bresse à La Rochelle en passant par Saint-Ciers sur Gironde, ma rentrée photographique fut socialiste. Et croyez-le ou non, c'est beau à voir un parti politique qui travaille. Après des mois (voire des années... !) entre silence et petites phrases assassines, le ton change et l'opposition se met en mouvement. A tel point que, comme le soulignait Thomas Legrand dans son édito politique sur France Inter, Nicolas Sarkozy court après le PS : taxe carbone, non-cumul des mandats..., le président de la République semble suivre l'agenda imposé par la Gauche et les Verts, son discours sur la sécurité passant même à la trappe !
D'accord ou pas avec les socialistes, on peut toutefois se réjouir de ce renversement de situation, preuve d'une opposition en meilleure santé et par la même, d'un système politique démocratique un peu moins grippé que ce qui nous était servi depuis le 6 mai 2007.
Martine Aubry, première secrétaire du Parti Socialiste, lors de son discours d'ouverture de l'Université d'été de La Rochelle.
Martine retrouve le sourire donc. Et pourtant les journalistes font la gueule. D'abord à Frangy, où comme chaque année, Arnaud Montebourg célèbre la traditionnelle fête de la Rose. Rien ne va plus : ils mangeront un poulet frites qu'ils devront payer de leur poche (remboursé en note de frais je vous rassure) alors qu'à l'UMP, "rendez-vous compte", c'est petits-fours et champagne à volonté. Une semaine plus tard, à La Rochelle, à l'occasion de l'université d'été du PS, on approche du scandale : ils s'ennuient. Oui ils s'ennuient. Cette année, pas de "off" sur les terrasses du vieux-port, pas de petites phrases au détour d'une balade entre les deux tours mais des ateliers, des ateliers et encore des ateliers. Bref, une université d'été qui porte bien son nom, animée de débats d'idées (si, si je vous jure !) et ça, ça fait pas vendre. La salle de presse avait un côté morne et pathétique : les photographes sont à deux doigts de la dépression (heureusement que Ségolène pose) et les services politiques de toutes les rédactions ont le drapeau en berne. Le papier de Julien Martin de l'excellentissime Rue89 résume bien l'ambiance rochelaise de ce dernier week-end d'août.
Petite lueur d'espoir samedi soir à 20h : le bal PS-MJS. Mais décidément pas de chance, les journalistes n'y sont pas invités. Devant rentrer sur Bordeaux le soir même et après quelques vaines tentatives de négociation, je plie bagage. Saluons le courage, l'imagination et la persévérance des Inrocks qui sont restés jusqu'au bout de la nuit...
De gauche à droite : Olivier Ferrand du think tank Terra Nova, Benoît Hamon, porte-parole du PS et Arnaud Montebourg, député de Saône-et-Loire, à Frangy-en-Bresse.
Cette petite chronique sur l'ennui dans le monde des médias en période de non crise politique pourrait s'arrêter gentiment ici.
"Eh Manuel tu me fais pas la bise ? ", "Benoît, venga aqui, il y a deux femmes qui te trouvent beau mais ce doit être une vue de l'esprit"... Deux petites phrases. Deux petites phrases anodines surprises au hasard d'une conversation, d'un brouhaha à la fin d'un discours. Pourtant elles me laissent un goût amer. Elles ont été prononcées par un journaliste politique dont la renommée et la plume ne sont nullement remises en question. Cependant, elles traduisent la méthode de travail des journalistes français qui suivent de près nos dirigeants politiques. Pour vendre un article (ou même une photo), il faut du scandale, du sensationnel, de la petite phrase. Pour vendre un article, il faut un "scoop" qui peut se réduire à "un tel a dit que sur un autre". Ce n'est rien, ça ne fera pas avancé le débat et ce sera oublié la semaine suivante mais ça marche. Pour obtenir LA petite phrase, le bon mot, il faut que la personne interviewée, en l'occurrence, l'homme ou la femme politique, se sente en confiance. Donc, il faut copiner. C'est plus facile et plus efficace que de poser une vraie bonne question au cours d'un vrai bon entretien.
En photo même procédé : on copine un instant, puis on crie le prénom de la personne que l'on veut photographier, celle-ci se retourne, sourie et c'est dans la boîte. C'est plus facile et plus efficace que de suivre la même personne sur une longue période. Et pourtant, prendre le temps, mettre en confiance son interlocuteur sans tomber dans la connivence et le mélange des genres n'est pas une vieille chimère d'un conservateur du journalisme "à l'ancienne". Allez jeter un œil sur le travail de Callie Shell qui a suivi pendant plus de deux ans Barack Obama et qui expose actuellement à Perpignan dans le cadre du grand rendez-vous du photo-journalisme "Visa pour l'image".
Le plus drôle c'est que lors de ces universités d'été, il y avait un atelier intitulé "Médias et démocratie" animé par Edwy Plenel. Beaucoup a été dit sur le système de financement des médias français et la connivence entre groupes industriels possédant les titres des plus grands journaux et l'Etat sarkozyste. Très peu par contre sur la responsabilité individuelle des "médiateurs", les journalistes. Ces deux petites phrases traduisent un système. Il y a du boulot pour le dézinguer. Il suffit d'un peu de courage, d'imagination et de persévérance...
Elisabeth Guigou, ancienne Garde des Sceaux et actuellement députée de Seine-Saint-Denis, assistait à l'atelier "Penser l'avenir" à l'université d'été de La Rochelle. Promis, ce sourire elle l'a fait toute seule !
Fonctions |
Coef. |
Salaires |
|
Directeur des rédactions |
185 |
2 375 € |
|
Rédacteur en chef |
185 |
2 375 € |
|
160 |
2 069 € |
||
Chef de service rédactionnel |
140 |
1 817 € |
|
Secrétaire général de la rédaction |
140 |
1 817 € |
|
Premier secrétaire de la rédaction ou secrétaire de rédaction unique |
133 |
1 736 € |
|
Premier rédacteur graphiste |
133 |
1 736 € |
|
Chef de rubrique |
133 |
1 736 € |
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Reporter-photographe |
110 |
1 452 € |
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Reporter-dessinateur |
110 |
1 452 € |
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Reporter |
110 |
1 452 € |
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Secrétaire de rédaction |
110 |
1 452 € |
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Rewriter |
110 |
1 452 € |
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Rédacteur-réviseur |
110 |
1 452 € |
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Rédacteur graphiste |
110 |
1 452 € |
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Rédacteur unique |
105 |
1 408 € |
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Rédacteur spécialisé |
105 |
1 408 € |
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Rédacteur |
100 |
1 392 € |
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Stagiaire |
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Deuxième année |
95 |
1 368 € |
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Première année |
90 |
1 314 € |
« Adaptabilité, capacité rédactionnelle et goût de l’enquête de terrain pour des reportages mêlant photos et textes sur l’actualité politique française. Par mes expériences dans le journalisme spécialisé j’ai pu acquérir une bonne connaissance des institutions et de leur fonctionnement. »
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